États-Unis : l’âge du bronze
L’ESPRIT AMÉRICAIN : DES PREUVES, SINON RIEN
• C’est essentiellement le thread de Blu-ray.com qui a inspiré l’esprit américain, et dès le début, il s’est voulu rigoureux.
Dans un souci de cadrage et pour calmer les inquiétudes, ses animateurs ont sans cesse incité à prendre du recul et à ne pas généraliser le problème à partir d’observations isolées. « Il n’est pas nécessaire d’être aussi dramatique et fataliste », « Souvenons-nous que les opinions ne sont pas des faits ». De même, ils ont conseillé de relever les codes IFPI-presseurs, ou de faire des analyses informatiques pour avoir des certitudes. « Une approche méthodique et scientifique nous aidera à trouver les mauvais disques ». Les États-Unis sont ainsi le pays étranger le plus minutieux dans l’approche du problème.
Cette rigueur a installé l’idée qu’il y avait eu des problèmes de pressage, certes indéterminés, mais concentrés sur une période limitée et sur des usines spécifiques, et que le reste était secondaire, des défaut de fabrication aléatoires pouvant survenir sur n’importe quel produit. Ceci accompagné d’une relative confiance envers les éditeurs : « La plupart du temps, les seules fois où l’on peut vraiment confirmer qu’un disque est défectueux, c’est lorsqu’un studio le reconnaît et, lorsqu’il le fait, il propose des programmes de remplacement » (c’est « l’esprit-authoring » que nous décrivions plus haut).
En conséquence, à partir du moment où le cas Criterion -leur principal souci- a été résolu, les Américains se sont majoritairement montrés soulagés et n’ont guère cherché à approfondir leur réflexion. Fin 2017, un animateur estimait même que tout était dit et que le thread allait s’endormir.
• Certains membres ont pourtant essayé d’élargir le débat. Parmi eux un Français qui a tenté de faire comprendre «notre» approche, notamment qu’il subsistait des zones grises et que le problème méritait un examen plus vaste. Dans le même esprit, un autre internaute indiquait joliment « S’attendre à ce qu’un disque soit lu lorsque vous le placez dans le lecteur n’est pas totalement déraisonnable».
Cette « approche large » n’a pas trop été acceptée par un animateur très influent du thread, et un exemple illustrera la différence de perception. Notre compatriote avait fait remarquer que le brunissement près du trou central (fréquent dans les deux pays) était un symptôme inquiétant, révélateur d’un manque d’étanchéité, et souvent accompagné de défectuosités. Cette idée a été sans cesse fermement combattue par l’animateur. « Il n’a jamais été prouvé qu’il y avait une corrélation entre cette pièce centrale qui a l’air marron et les disques qui ne fonctionnent pas». «Les gens sur le forum français sont obsédés par ce problème». « Vous pouvez croire ce que vous voulez, mais les anecdotes ne sont pas des preuves». L’animateur considérant en effet que, comme la zone centrale est isolée des données, son brunissement ne peut avoir aucune influence sur la lecture du disque. A contrario, le « bronzing » se manifestant sur l’extérieur, soit sur la couche de données, celles-ci sont directement affectées.
Tout est dit : nécessité de preuves d’un côté, exploration de pistes de l’autre. C’est au fond toute la question du POTENTIELLEMENT défectueux.
• Quant au thread, il est toujours vivant en 2023. Car avec le temps, les signalements ont continué. L’on a découvert avec surprise l’effet retard, avec des BD devenant défectueux au bout de 10, 12, voire 15 ans. Des titres pressés hors de la période 2006-2012 se sont avérés illisibles. Quelques nouveaux pressages Criterion (KK**) -outre le coffret WKW – ont montré du brunissement central . Et les possesseurs de BD français ont constaté la détérioration de leurs galettes (en particulier du coffret Rohmer, victime du même brunissement). Autant d’éléments qui ont ébranlé les certitudes initiales. Mais s’il y a constat et étonnement que le problème se manifeste encore, c’est plutôt un certain fatalisme qui l’emporte, car il est trop tard pour creuser le débat ou interpeler les éditeurs sur le fond.
Notre propos ici n’est évidemment pas de dire qu’il y aurait une « bonne » et une « mauvaise » approche. Nous souhaitons simplement mettre en perspective deux façons d’aborder la question. Les Américains se sont voulus rigoureux, dans un débat « contenu » laissant peu de place aux suppositions. En France, nous avons été plus « larges » dans notre analyse, et aussi plus revendicatifs envers la profession.
VERS UN AVENIR RADIEUX ?
Aux États-Unis, les problèmes sont nés dès l’apparition du support, mais ce n’est que plus tard qu’ils ont été révélés au grand jour. Il semble y avoir eu deux vagues dans les défectuosités: une vague originelle sur la période 2006-2008, passée relativement inaperçue sur le moment, et la vague 2009-2012, largement divulguée à l’occasion de l’affaire Criterion. Les causes profondes en restent indéterminées, mais semblent, selon les disques et la période, relever principalement d’erreurs de jeunesse dans le processus de fabrication et/ou d’utilisation de matières premières défectueuses. On peut regretter que les internautes, bien que disposant d’une information abondante, n’aient pas développé une analyse globale faisant le lien entre tous ces éléments.
Les problèmes semblent à présent majoritairement résolus, de très nombreux titres ayant été repressés. Doit-on pour autant considérer que « tout ça, c’est du passé » ? Pas si sûr…
Au niveau « individuel », il faut garder un minimum de prudence dans ses achats, car sur le marché, les nouveaux pressages peuvent cohabiter avec les anciens, sans qu’extérieurement rien ne les distingue : même titre, même édition, même packaging, mais pressages différents. Pour l’exemple, nous avons recherché sur Amazon (.fr et .com) les BD Criterion « Walkabout » et « Summer Hours », qui sont parmi les tous premiers repérés défectueux. Il n’y existe pour ces titres qu’une édition de 2010. Contient-elle l’ancien ou le nouveau pressage ? C’est impossible à déterminer de l’extérieur. Il n’est pas illogique même de penser que certains Criterion aient connu au moins 3 pressages : pressage initial Sonopress défectueux, pressage de remplacement 2014 Sony , dernier pressage Vantiva.
Au niveau « collectif », la concentration du marché du pressage nord-américain sur l’usine mexicaine de Vantiva-Technicolor peut interroger. Quid en cas de problème chez l’unique presseur ? Certains internautes ayant découvert des disques rayés commencent à mettre en doute le contrôle qualité de l’entreprise. Et l’on peut se demander pourquoi Paramount a basculé il y a 2 ans de Vantiva à Arvato-Sonopress et indique sur certains packagings « Disc(s) Made in Germany », comme s’il s’agissait d’un gage de meilleure qualité.
Vous l’aurez compris, l’avenir n’est jamais sûr. Mais heureusement, il existe une solution magique proposée par un internaute américain, qui résoudra tous vos problèmes :
« Il n’est jamais inutile de jeter le disque dans un bol et de le recouvrir d’eau bouillante. J’ai eu quelques disques qui ne fonctionnaient pas et cela les a presque toujours réparés. Je ne sais pas exactement pourquoi. »