États-Unis : l’âge du bronze
LES ÉCHANGES
• Seuls Criterion et Well Go en 2014 (et Disney en 2007) ont mis en place une politique d’échange spécifique au problème. Les autres éditeurs, et notamment les majors, n’ont émis ni communiqué ni procédure. Ceci ne signifie pas pour autant qu’ils se soient montrés opposés aux échanges de BD défectueux, car il y en a eu. Mais ils ont été effectués dans un autre contexte.
De tout temps, il a existé aux États-Unis des dizaines de programmes d’échange pour les problèmes d’authoring, les premiers remontant à fin 2006. Les éditeurs n’hésitent pas à échanger des disques pour des motifs sérieux (transferts douteux, les anciens se souviendront de « Gladiator ») ou plus mineurs (ex : absence de piste de commentaire audio , ou de sous-titres forcés, mauvaise sérigraphie, etc etc…). Leurs SAV apparaissent bien plus performants que chez nous (une pensée en passant pour nos « amis » de M6 Video et leur UHD de « La Piscine »).
Mais entre problèmes d’authoring et « vraie » défectuosité, la différence est parfois ténue. Pour l’exemple, un disque qui pixelise ou saute, est-ce un problème d’authoring, de fabrication, ou le symptôme d’un futur « rot » ?
Les majors ne se sont pas officiellement posé la question, et dans l’esprit, semblent avoir considéré qu’il n’existait que des problèmes d’authoring. De ce fait, ils n’ont pas instauré de procédure globale dédiée aux défectuosités/rot, comme l’ont fait Criterion, Well Go ou des éditeurs français. Les échanges ont eu lieu à titre individuel, dans le cadre du SAV de chaque éditeur, selon leurs habitudes traditionnelles. En quelque sorte, les BD pour nous « véritablement défectueux » sont passés « dans la masse » des autres.
Vu de France, l’on pourrait dire courtoisement que les majors ont eu une approche différente. Mais l’on pourrait aussi considérer qu’ils ont été bien silencieux face à une problématique qu’ils ne pouvaient ignorer, puisqu’ils ont eux aussi été atteints par le bronzage mais ne l’ont jamais évoqué.
(NB : Il faut faire le tri si vous parcourez des forums américains, où les termes « defective », « faulty », « problem », « issue » et autres sont utilisés pour qualifier aussi bien les BD « mal authorés » que les BD défectueux au sens français. A titre d’exemple, un autre thread du site Criterion ).
• Dans la pratique, hors Criterion et Well Go, les échanges signalés par les internaute restent assez rares, de l’ordre de la quinzaine. Sur le thread Blu-ray.com, il n’en est fait mention depuis 2014 que chez Blue Underground , Drafthouse, Synapse (y compris pour un client français), Paramount. Sur d’autres threads, on cite des échanges chez Warner, Universal et Disney, dont les SAV semblent accommodants.
A contrario, des éditeurs qui, bien que contactés, ont ignoré les demandes: Cult Epics et Twilight Time (et Lionsgate, bien sûr).
La rareté de ces échanges s’explique par une raison simple : c’est que les BDphiles n’en ont pas beaucoup demandé ! Pour eux, l’essentiel était que l’affaire Criterion soit résolue. Vis-à-vis des autres éditeurs qui restaient discrets, ils n’ont guère eu l’esprit de réclamation et se sont enfermés dans une certaines passivité, se contentant souvent de faire des constats plutôt que de revendiquer.
LES CAUSES TECHNIQUES POSSIBLES
Si des problèmes de pressage ont été officiellement reconnus, aucune explication technique n’a été fournie, par la profession, et les causes profondes restent indéterminées. Les internautes n’ont pu qu’émettre des hypothèses.
Nous vous les soumettons ci-après. Les deux premières arrivent nettement en tête, car elles avaient été évoquées de longue date et sont restées dans les esprits.
• Un revêtement protecteur défectueux ou mal appliqué: si la couche supérieure des BD se détériore, les couches inférieures ne seraient plus protégées et pourraient s’oxyder. Autre possibilité : un revêtement défectueux empêcherait le laser de le traverser pour aller lire les données. Ces éléments pourrait expliquer entre autres les problèmes sur les BD 25.
Cette hypothèse a du crédit, car c’est la cause des défectuosités Sony en 2007. Un internaute travaillant dans cette entreprise avait en effet indiqué que le problème était dû à « un contaminant trouvé dans le matériau de la couche protectrice transparente ».
• Une résine défectueuse : C’est le syndrome français. Plusieurs internautes rappellent en avoir entendu parler par le passé pour les premiers problèmes de Well Go et Lionsgate. De plus, un membre français a longuement décrit sur le thread la situation dans notre pays, ce qui a conforté les soupçons sur cette cause.
• D’autres hypothèses plus généralistes sont évoquées: des matières premières de mauvaise qualité utilisées pour réduire les coûts / un mauvais environnement de fabrication, des contaminants tels que la poussière ou l’humidité pouvant s’introduire dans les BD/ des problèmes matériels (machines).
• Une explication inédite est également avancée pour certains titres: une similarité avec le CD-Bronzing. Ce phénomène est apparu à la fin des années 80 et est décrit en détail sur Wikipédia. Des émanations de soufre provenant du papier des livrets avaient été suspectées de détériorer la couche protectrice des CD, laissant ainsi « à nu » la couche métallique qui pouvait alors se corroder. A 20 ans d’intervalle et sur un support différent, peut-on avancer la même explication ? C’est en tout cas troublant, car visuellement, le « bronzing » est similaire, comme le montre la photo Wikipédia. Et voici, aux messages 99 et 102 des photos frappantes de BD Criterion empilés dans des pochettes en papier.
• Hors problèmes de pressage, il est également rappelé qu’il existe des défectuosités qui en réalité n’en sont pas, ainsi certaines illisibilités hors bronzage peuvent être dues à :
– la fonction BD-Live, entraînant un blocage du disque pendant le chargement (souvent cité). Dans ce cas, il faut désactiver la connexion Internet de la platine.
– une insuffisance de mémoire de la platine. Certains BD nécessitent pour se charger un peu plus de stockage interne que la platine n’en dispose. Il faut alors, soit réinitialiser la platine, soit y brancher une clé USB/une carte SD qui servira de mémoire supplémentaire.
– une incompatibilité avec certaines platines.
• La question de l’influence des boîtiers est également posée, avec le constat, comme partout, de résidus graisseux à l’intérieur des boîtiers ou de « dégazage » créant des taches laiteuses sur les disques. Mais d’expérience, ce phénomène n’a pas de lien avec l’illisibilité.
Telles sont donc les hypothèses qui, mises bout à bout, peuvent expliquer les difficultés américaines. Compte-tenu de la multiplicité des manifestations du problème, la vérité est comme d’habitude multifactorielle. Tous les disques n’ont pas été victimes du même phénomène, et il faudrait pour chacun prendre en compte son état physique, son année, son presseur, son éditeur. Mais les Américains ne sont pas descendus à ce niveau de détail, et chaque site/thread propose en quelque sorte « sa » théorie privilégiée.
Suite p.4, « L’Esprit américain : des preuves, sinon rien »