États-Unis : l’âge du bronze
WELL GO ET LIONSGATE
Dès fin septembre 2014, les Américains se sont mis à vérifier les disques de tous les autres éditeurs. Très vite, deux d’entre eux se sont fait remarquer.
• Well Go : Quelques jours à peine après Criterion, cet éditeur reconnaissait à son tour auprès des internautes l’ayant contacté du bronzage et des problèmes de pressage. Il les confirmera par la suite dans divers communiqués, d’abord pour 13 titres, puis pour 19, pressés en 2010 et 2011. En voici le contenu et la procédure d’échange. Nous avons quant à nous repéré 25 titres.
Le presseur incriminé est l’IFPI IC0Z, correspondant à U-Tech Media Corporation Taiwan (également impliqué dans la défectuosité de disques asiatiques).
Well Go est donc un éditeur consciencieux, mais il ne remplace les disques que pour les adresses américaines et canadiennes.
• Lionsgate : Cet éditeur a immédiatement été dans la ligne de mire, car des internautes ont rappelé qu’il avait déjà connu des problèmes bien avant l’affaire Criterion, sur ses titres 2006-2007. Cette antériorité a amené à vérifier sérieusement fin 2014 les titres Lionsgate, et au fil des mois la situation s’est avéré assez catastrophique. Des disques défectueux ont été repérés jusqu’aux éditions 2012, et toute la production 2006-2012 est suspecte. Notre liste recense 80 titres.
Le presseur incriminé est l’IFPI 2F29, usine d’Alabama ayant appartenu à CMCA/Deluxe, puis Cinram, puis Technicolor. « Le pire réplicateur de disque américain » (sic).
Malheureusement, Lionsgate n’a jamais reconnu le problème et est unanimement considéré comme un éditeur calamiteux, sans aucun service client. Les demandes d’échange par mail ont reçu une réponse automatique indiquant de mettre à jour sa platine. Les téméraires ayant tenté leur chance par téléphone sont tombés sur Vivian, qui avait répondu en 2015, comme le rapporte un internaute : « Elle a dit que parce que j’ai acheté le BD en 2012, le délai de remplacement est dépassé. Elle a également dit qu’ils n’avaient entendu parler d’ AUCUN disque défectueux, et que parce que cela fonctionnait dans le passé, ils ne le remplaceraient pas de toute façon ».
Il est clair qu’il s’agit là d’une dérobade. Lionsgate sait bien que nombre de ses BD sont problématiques, mais devant l’ampleur du problème et sans doute ses conséquences financières, il a adopté la politique de l’autruche (comme M6 Video ou Europacorp en France).
LES AUTRES ÉDITEURS ET LEURS PRESSEURS
Criterion, Well Go, Lionsgate, tel est le « trio infernal » repéré en 2014 dans les tous premiers jours de l’affaire, et qui pendant un an fut quasiment le seul sur la sellette.
• Mais la problématique ne s’est pas arrêtée à ces éditeurs. Au fil des mois puis des années, de plus en plus de disques suspects ont été découverts chez d’autres. Pas d’« effet-masse » comme pour les trois premiers, mais une accumulation de signalements qui finalement ont commencé à peser lourd.
Le problème s’est avéré plus marqué sur quatre « majors» (Fox, Paramount, Universal, Warner) qui présentent chacun plusieurs dizaines de titres défectueux, y inclus du « vrai bronzing ». Ceci tient sans doute à l’importance de leurs catalogues (plus on édite de titres, plus il y a de risques). D’anciens internautes ont rappelé que ces éditeurs avaient déjà par le passé présenté de nombreuses défectuosités sur leurs premiers pressages 2006-2008 (plusieurs threads en font part dès 2010). Mais l’on découvrait à présent que ces problèmes avaient perduré jusqu’aux éditions 2012.
Une autre major, Disney, est un cas particulier. Il a été constaté qu’un certain nombre de ses titres gelaient, ne se lançaient pas ou ne le faisaient qu’après plusieurs essais. Mais les internautes se sont montrés indulgents avec l’éditeur, estimant qu’il s’agissait avant tout de problèmes de compatibilité avec les platines, ou de parasitage par le BD-Live ou un AACS renforcé.
Cependant, Disney a aussi eu de « vrais » problèmes. Un thread sur avsforum.com nous apprend que son titre « The Prestige », édité en février 2007, avait connu de très nombreuses défectuosités quelques mois seulement après sa sortie. L’éditeur avait reconnu le problème et procédé à des échanges. Il s’agit sans doute là du premier titre défectueux repéré au monde.
• Naturellement, les Américains ont déterminé les presseurs utilisés dans ces années-là. Ce sont :
– IFPI 2F29 (comme Lionsgate) pour Fox, occasionnellement Warner, et aussi Anchor Bay
– IFPI 2U** (Cinram Pennsylvanie) pour Warner, et occasionnellement Lionsgate (bis !)
– IFPI 2TB4 (Technicolor Californie) pour Paramount
– IFPI KK** ( Technicolor Guadalajara) pour Universal
– IFPI 10** (Sonopress Caroline, comme Criterion) occasionnellement pour Universal et peut- être d’autres majors
– IFPI 50** (Sony Indiana) début 2007 pour Disney. Sony-éditeur et Warner au moins ont aussi eu recours à ce presseur.
D’autres presseurs suspects, parfois confidentiels, sont cités occasionnellement sur Blu-ray.com, pour de plus petits éditeurs. Il serait peu utile d’en établir la liste (d’autant que l’information n’est pas forcément fiable, nombre d’internautes confondant les codes IFPI-mould et IFPI-mastering ).
• La plupart des usines de pressage incriminées ont disparu, dans le cadre de restructurations industrielles. Il ne subsiste plus en Amérique du Nord que l’usine de Vantiva (ex-Technicolor) à Guadalajara (IFPI KK**), utilisée au moins par Criterion, Disney, Fox, Lionsgate, Paramount, Sony (éditeur), Universal, Warner. Un quasi-monopole ! Toutefois, Paramount n’a pas renouvelé mi-2021 son accord avec Vantiva, et presse depuis cette date en Allemagne chez Arvato-Sonopress.
Pour info, Vantiva-Technicolor indique, pour 2021, avoir une part de marché, dans la fabrication de DVD et BD, de 90 % en Amérique du Nord et 65 % au niveau mondial. La production annuelle 2021 est de 202 millions de BD et 557 millions de DVD, sur 3 usines (Mexique, Pologne, Australie).
Ainsi, si l’affaire Criterion a été l’occasion en 2014 de RÉVÉLER pleinement les problèmes, ceux-ci avaient DÉBUTÉ dès 2007. Mais ils étaient restés relativement discrets. Le BD était encore un format peu répandu, l’information était éparpillée, et les défectuosités n’avaient pas encore eu le temps de se manifester complètement (effet retard).
Suite p.3, « Les échanges »