Allemagne : la vérité est ailleurs

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LES EXPLICATIONS OFFICIELLES (septembre 2021)

De même qu’en France avec Les Années Laser, de très nombreux internautes ont alerté le magazine allemand de référence, Audiovision. Après enquête, la revue a fait paraître un article de 4 pages sur le sujet dans son numéro de septembre 2021.

Audiovision fait état d’environ 140 titres problématiques, et a contacté les éditeurs concernés.

Dans la plupart des cas, nous n’avons reçu aucune réponse

note la revue. Et quand réponse il y a eu, c’était majoritairement pour dénier l’existence d’un quelconque problème. Des éditeurs indiquent ainsi:

Heureusement, nous n’avons jamais eu ce problème auparavant.

ou

Ces problèmes ne se sont pas encore produits chez nous.

ou bien

Nous avons entendu des plaintes de consommateurs, nous ne pouvons pas commenter ce sujet.

Et le plus élégant,

L’observation actuelle du marché ne nous montre aucun problème avec la jouabilité des disques.

Seul Polyband a donné une réponse plus détaillée, dans une interview de son Directeur général. Elle n’apporte malheureusement rien de plus, puisqu’elle reprend, mot pour mot, les explications de Splendid Films rapportés plus haut. Ce qui est compréhensible, puisque c’est le même groupe ! Et donc: effet de vieillissement + aspects inconnus.

Figure aussi dans un encadré une interview du responsable qualité d’Optimal Media, essentiellement axée sur la meilleure façon de conserver ses BD, et laissant entendre qu’une grosse partie du problème viendrait des conditions de conservation ou de manipulation par les BDphiles eux-mêmes, comme en témoigne le titre de l’encadré :

Le plus grand potentiel de dommages est un traitement négligent.

On sent quelque part qu’Audiovision est bien embêté, pris entre les plaintes des lecteurs et les explications évasives des professionnels. Le magazine ne pouvant ainsi pas déterminer de véritables causes techniques, il se contente de passer en revue des causes possibles, qui ne sont ni plus ni moins que celles évoquées sur les forums. En vrac : mauvaises manipulations, conditions de stockage, poussières, température, humidité, usure du matériel, firmware, sans oublier de rappeler les anciens CD-rot, DVD-rot ou laser-rot (ce qui laisse penser qu’après tout, il n’y a pas plus de problèmes avec les BD qu’avec les supports antérieurs).

Les réactions des internautes sur les forums dénoncent un article très décevant et langue de bois, ne donnant pas d’explications significatives, et rejetant une partie de la responsabilité sur des erreurs des consommateurs ou de la platine. Il leur apparaît clairement que le problème est évacué et qu’aucune véritable explication ne sera jamais fournie.

 

UN PHÉNOMÈNE IDENTIQUE, DES ANALYSES DIFFÉRENTES

Ainsi, que l’on soit sur la rive droite ou gauche du Rhin, l’approche du problème est radicalement différente.

Le raisonnement français s’est construit sur le « modèle unique», initié par QOL, selon lequel le problème viendrait de l’application d’une couche de résine corrompue, sur une période réduite (juin 2008 à juin 2009). Il aurait par la suite été circonscrit, ce qui laisse penser qu’il n’y aurait plus de craintes à avoir pour les BD produits ultérieurement.
Cette explication est la seule qui ait jamais été fournie dans notre pays. Elle contient certainement une part de vérité, et il faut rendre justice à QOL d’avoir pris ses responsabilités.
Mais chacun a pu constater qu’elle n’explique pas toutes les défectuosités. Et l’on peut regretter qu’elle ait été à ce point systématisée, prise pour argent comptant et relayée par l’ensemble de la profession. Il s’est ainsi inséré dans les esprits la certitude qu’en France, c’est forcément « la faute à la résine ». Ce qui conduit nombre d’utilisateurs à ne pas comprendre pourquoi des BD plus récents deviennent illisibles. Et surtout, ce qui a amené certains éditeurs à ne procéder aux échanges QUE des BD QOL, considérant qu’il n’existait aucun problème chez d’autres presseurs.

Voir notre article: Hypothèse sur un problème industriel, la résine 

Le raisonnement allemand s’est construit différemment, sur l’idée que le problème et plus vaste et reste globalement inexpliqué.
En Allemagne, la résine est inconnue, personne n’en parle, elle est donc hors de cause. Pour le reste, « On ne peut que deviner » (CMT). Résumons. Les BDphiles tâtonnent sans opinion arrêtée. Un éditeur reconnaît des erreurs de pressage, sans autre explication. Un même presseur indique qu’il s’agirait d’une oxydation, invoquant d’abord la couche protectrice, ensuite la couche métallique. Ces couches ne sont pas pour autant originellement corrompues, comme notre bonne vieille résine, elles subiraient simplement l’effet du temps qui passe et du vieillissement du BD. Et la majorité de la profession reste silencieuse, estimant qu’il ne se passe rien d’anormal et qu’une grande partie des problèmes relèverait de la responsabilité du consommateur.

Une autre différence notable, à notre sens, se situe dans l’appréciation de la pérennité du problème. Si les internautes allemands ont remarqué que les disques touchés appartenaient pour l’instant à une période large 2007-2014, on notera la prudence des professionnels ayant bien voulu répondre, qui n’affirment pas franchement que le problème relève du passé, ce qui eut pourtant été pour eux un argument commode. L’ambiance est plutôt à l’incertitude, ce qui ne rassure guère les internautes.

Nous sommes assis sur des bombes à retardement  (sic).

En ce sens, la prudence allemande est l’antithèse de l’assurance française. Chez eux, les causes restent obscures, et le problème perdure peut-être. Chez nous, le coupable est clairement désigné, et le problème est officiellement loin derrière.

 

QUE CONCLURE ?

Deux pays limitrophes, deux presseurs, deux « populations » d’utilisateurs et de professionnels, deux façons de penser… et 3 couches suspectes !

 

  • Cet article ne vise pas à privilégier l’une ou l’autre hypothèse, d’autant que les presseurs eux-mêmes n’ont pas pu, depuis bientôt 10 ans que le problème a été mis à jour, fournir une véritable explication. Il souhaite seulement mettre les faits en perspective, et montrer comment, à partir du même constat, on peut construire des raisonnements différents. Ce qui doit nous inciter à la prudence dans notre approche. D’ailleurs, si l’on opère un petit retour en arrière, les anciens se souviendront que c’est début 2013 que le problème a commencé à être évoqué sur les forums français. Avec au début les mêmes réactions que nos amis allemands : interrogations, incompréhensions, recherche de pistes explicatives… 18 mois après, le nom de QOL apparaissait et nous entraînait sur la piste de la résine. Où en serions-nous sans elle ?

  • Les Allemands n’ont pas analysé le problème aussi profondément qu’en France, dans la mesure où ils n’ont pas fait de recherche par rapport aux fameux « codes IFPI » qui permettent de déterminer les presseurs les plus touchés. Ils raisonnent ainsi toujours par rapport aux éditeurs et aux codes EAN. Mais d’un autre côté, ils ont eu une réflexion plus large, dans la mesure où, ne disposant pas du « joker résine », ils ont été amenés à chercher (et parfois à obtenir) d’autres explications. Et certaines pourraient éclairer un certain nombre de cas qui chez nous ne « collent pas » avec la résine.

S’il fallait ainsi résumer en une ligne toutes les informations recueillies en Allemagne, ce serait : Vieillissement + causes inconnues→ oxydation de la couche protectrice et/ou de la couche métallique →dégradation des pits → illisibilité .

La  vérité est probablement multi-factorielle, comme nous l’avons souvent dit, et nous ne la connaîtrons sans doute jamais, car la constante entre les deux pays, c’est qu’aucun professionnel ne souhaite remuer cette affaire.

Mais au final, au-delà des frontières, reste la vraie question, essentielle et non résolue, posée sur le forum allemand, qui met en relation la « promesse » et la réalité, et que nous vous proposons avec la saveur de la traduction automatique :

« Comment se fait-il qu’un support soit annoncé comme ayant une durée d’au moins 50 ans, qui après un certain temps n’est plus jouable et je suis bloqué dessus ?  » 

Voir notre article :  Étude du vieillissement des disques optiques, possiblement la meilleure !

PS : Nous avons contacté les sites et la revue mentionnées dans cet article, pour obtenir des informations complémentaires. Malheureusement, aucun ne nous a répondu. Doit-on considérer que ces entités, quoiqu’elles en disent, ne souhaitent pas vraiment creuser le problème ? Nicht cool… Nous nous abstenons pour cette raison de donner des liens renvoyant vers eux.

 

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Vivaldi21

Je suis un cinéphile, pendant 40 ans j’ai vu en moyenne 150 à 200 films par an en salle, j’ai écrit dans des revues locales, j’ai fait des émissions à la radio ou animé des séances de «ciné club», et je crois bien connaître le cinéma, surtout celui dit «de répertoire»

4 réflexions sur “Allemagne : la vérité est ailleurs

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