Allemagne : la vérité est ailleurs

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Le phénomène des Blu-ray défectueux ne touche pas seulement la France. Des sites étrangers en font largement part pour les BD édités dans leurs pays.
Nous nous sommes intéressés à la situation chez notre voisin allemand, essentiellement décrite sur le forum de BLURAY-DISC.DE. Un thread de 90 pages sur le sujet y a été ouvert en janvier 2017, et il recense à ce jour 117 titres.
Nous avons également consulté la revue Audiovision (l’équivalent de notre « Les Années Laser »), qui y a consacré une enquête et un article, le site CineMediaTech (CMT), qui a effectué sa propre recherche, et divers autres forums.
Ces sources nous ont permis (avec l’aide de Google Traduction) de faire des découvertes que nous vous résumons ci-après.

 

DES INTERNAUTES INDÉCIS

Les problèmes signalés depuis 2017 par les internautes allemands sont strictement identiques à ceux relevés en France. Essentiellement : BD illisibles ou le devenant, « data disc » (souvent signalé), image qui se fige, pixellisation, aspect esthétique douteux (changement de couleur, taches, « petits points scintillants » en surface).
Ces problèmes affecteraient principalement des BD produits entre 2007 et 2012, mais des éditions de 2014 sont aussi mentionnées.

Toutefois, les BDphiles allemands n’ayant pas connaissance d’un quelconque problème de résine (explication officielle française), ils ont suspecté d’autres causes, et ont tour à tour soupçonné : un problème venant du lecteur (firmware non à jour, bloc optique fatigué, tolérance aux erreurs), les conditions de stockage, la protection anticopie (AACS), le BD-Live, des micro-rayures, des résidus microscopiques sur la surface du BD, le « dégazage » du boîtier ou des flyers, voire la dégradation naturelle de tout support de stockage. L’opinion première étant que des disques tombent en panne sans que l’on sache réellement pourquoi. Un constat et un certain fatalisme, mais pas d’explication avérée.

Quant aux conditions de pressage, si présentes en France, elles sont évoquées parmi les causes possibles, sans que cette piste soit d’emblée privilégiée. C’est une hypothèse parmi d’autres. En presque 6 ans, le sigle « IFPI », essentiel chez nous, n’apparaît que 3 fois sur le forum. Cette dimension n’a donc pas été approfondie. On trouve même cette innocente remarque: « Cela ne peut pas être dû à une usine de pressage. Cela permettrait de localiser rapidement l’erreur ». (Oui, justement, oserions-nous dire …).

A ce stade, il ne s’agit pas de déterminer qui a raison ou tort, mais de bien comprendre que le raisonnement des BDphiles allemands est totalement différent de celui de leurs homologues français. Pour les Allemands, la résine n’existe pas, et donc « La vérité est ailleurs ! ».

 

DES PROFESSIONNELS PEU COOPÉRATIFS

Bien que n’ayant pas d’explication officielle, les possesseurs de BD touchés se sont naturellement tournés vers les éditeurs/distributeurs pour demander des échanges. Ce sont les suivants (nous les citons « en vrac », sachant qu’il y a des éditeurs, des distributeurs, ou que certains, à travers des holdings, appartiennent à d’autres) :
Leonine (=Universum =Concorde), Splendid, Kinowelt, Busch Media, Koch Media, Constantin, Ascot/Elite, Black Hill, Eurovideo, Polyband, StudioCanal.

Il faut retenir essentiellement de cette liste que ces firmes sont au courant de problèmes sur leurs disques, pour le cas où vous seriez amenés à les contacter un jour.

Quant à savoir si des remplacements sont possibles, c’est une autre histoire… Comme en France, les réactions des professionnels ont été diverses, dans une ambiance d’omerta «qui  revient à un aveu de culpabilité » (sic le forum).
Il y a ceux qui ont échangé au titre du SAV, sans procédure spécifique et sans pour autant fournir d’explication (les plus consciencieux : Leonine et Constantin). A l’inverse, ceux qui n’ont jamais reconnu le problème (palme à StudioCanal GmbH, jugé calamiteux). Et au milieu, toute la panoplie des situations intermédiaires que nous connaissons bien: échange si l’on insiste vraiment, échange ou non selon l’interlocuteur, étonnement et doute qu’il y ait un problème, mise en cause du matériel (firmware), perte des droits, renvoi vers les revendeurs…

Pour l’anecdote, les cinéphiles allemands sont particulièrement outrés que ne soient proposés, ni titres de compensation, ni remboursement des frais d’envoi des BD décédés. « La convivialité par excellence » (sic).

 

UNE PREMIÈRE EXPLICATION (mars 2020)

Elle est fournie par Splendid Films GmbH, qui a adressé à un internaute en mars 2020 le message suivant à propos de la trilogie « IP Man », relayant l’analyse de son presseur (très probablement Arvato-Sonopress) :

Nous connaissons le cas et l’avons fait vérifier par notre usine de pressage. Selon l’usine de pressage, les disques sont constamment contrôlés et surveillés pendant la production par l’assurance qualité. Dans ce cas, c’est le revêtement protecteur qui protège le disque contre les dommages et influences environnementales. La laque est appliquée pendant la production en utilisant le processus de rotation et est ainsi répartie uniformément sur l’ensemble du disque. Au fil des ans, de l’humidité ou de l’oxygène peut parfois pénétrer sous la laque. Le défaut ne se produit que progressivement à mesure que le disque vieillit et ne peut donc pas être découvert directement lors de la production. Le BD est lisible, mais il peut arriver que des parties du matériel vidéo ne soient pas visibles. Cependant, que ce soit la seule raison pour laquelle vos disques ne sont pas lisibles, ne peut être prouvé avec certitude.

La traduction est claire. Il s’agirait ici d’un problème dû à la couche protectrice, qui serait affectée par l’humidité ou l’oxygène au fur et à mesure du vieillissement du BD. Splendid reste toutefois prudent en précisant qu’il pourrait y avoir d’autres raisons.

 

UNE DEUXIÈME (TIMIDE) EXPLICATION (août 2020)

Elle est fournie sur le site CMT, qui a interrogé plusieurs professionnels. Un seul a répondu, Leonine, concernant « Shutter Island » et « Iron Man ».  CMT la rapporte ainsi :

Malgré un contrôle de qualité minutieux, il y a eu des erreurs de pressage dans le passé, qui auraient conduit à la durée de vie raccourcie des Blu-ray. Cependant, le problème a maintenant été localisé et les nouvelles éditions ne contiennent plus les erreurs.

Il s’agirait donc ici d’erreurs de pressage, sans autre précision.

 

UNE TROISIÈME EXPLICATION (juin 2021)

En juin 2021, Splendid Films fournissait une nouvelle explication à un internaute, à propos du BD «Rampage » :

Nous avons informé notre usine de pressage de la situation et les disques qui nous ont été soumis par les clients ont été examinés en détail. L’usine de pressage assure que la production des Blu-ray envoyés en 2011 était basée sur l’état de l’art à l’époque et suppose que la structure des fosses des échantillons défectueux a dû changer au fil du temps, probablement en raison de l’oxydation de la couche de métallisation. On peut parler ici d’un effet de vieillissement, mais cela n’apparaît pas forcément général puisque seuls quelques disques sont concernés. Il faut mentionner ici que le BD était encore un jeune format de support de données à l’époque. À cette époque, la durée de vie des disques ne pouvait être estimée qu’au moyen de tests de résistance et de simulations dans une chambre climatique, les supports de données ont jusqu’ici bien passé tous ces tests. Après ces tests réussis, il ne fallait pas s’attendre à ce que certains disques aient des problèmes de jouabilité après une dizaine d’années. Malheureusement, des aspects inconnus jouent également un rôle sur lequel les utilisateurs de la technologie de fabrication et des méthodes de test standard n’ont aucune influence. Notre usine de pressage souligne à juste titre qu’il n’est pas possible de comprendre à quelles conditions externes les BD incriminés ont été exposés entre-temps (les copies d’échantillons de films splendides et l’usine de pressage, par exemple, peuvent toujours être lues sans aucun problème, même si un taux d’erreur légèrement plus élevé a été enregistré sur certains outils de mesure dans la zone des bords intérieur et extérieur s’affiche).

Trois éléments sont ici à retenir :

  • Il est invoqué l’oxydation de la couche de métallisation, une couche située sous la couche de protection précédemment incriminée. 
  • Cette oxydation affecterait la « structure des fosses ». Pour mieux comprendre, il faut se référer au terme allemand original, « Pitstruktur ». Un BD est constitué d’une suite de bosses et de creux, les lands et les pits. Ce sont donc ces pits (= creux= fosses) qui se dégraderaient. (Sur un forum, il est rappelé que les pits d’un BD étant plus petits et plus concentrés que sur un DVD, le moindre incident en dégradera un plus grand nombre). 

Voir notre article :  Blu-ray facts

  • Cause possible de tout cela : encore le vieillissement.

On notera toujours la prudence des propos, et la savoureuse mention « des aspects inconnus jouent également un rôle ».

 

(suite page 2) : LES EXPLICATIONS OFFICIELLES

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Vivaldi21

Je suis un cinéphile, pendant 40 ans j’ai vu en moyenne 150 à 200 films par an en salle, j’ai écrit dans des revues locales, j’ai fait des émissions à la radio ou animé des séances de «ciné club», et je crois bien connaître le cinéma, surtout celui dit «de répertoire»

4 réflexions sur “Allemagne : la vérité est ailleurs

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